la centrale
Réinventer une marketplace et une app qui sont utilisés … tous les 3 ans

Dans ce nouvel épisode d’En Zone – Saison 2, on parle product et ROI avec un invité qui vit ces sujets au quotidien : David Piry, Deputy CPO de La Centrale.
La Centrale, c’est la plateforme de référence pour l’achat et la vente de véhicules d’occasion en France. Une marketplace historique, ultra connue du grand public, mais qui se réinvente dans un contexte où :
- le marché de l’auto bouge (électrique, leasing, hausse des prix)
- les usages digitaux se complexifient
- l’IA rebattre les cartes sur la recherche, la découverte et l’acquisition
Pendant près d’une heure, on a parlé double casquette tech/business, fidélisation dans un cycle d’achat ultra long, app mobile, organisation produit, relations avec les sales et bien sûr IA & futur du métier de PM.
Voici ce que je retiens de notre échange.
1. David Piry : un Deputy CPO à la croisée de la tech et du business
David vient à la base de l’engineering. Il a commencé comme développeur, plutôt à l’aise avec les systèmes complexes, le code et les équipes techniques.
Mais très vite, deux choses le rattrapent :
1. Une forte appétence business
Il raconte qu’il allait spontanément voir les équipes marketing et business pour poser des questions du type :
« Pourquoi on fait ça comme ça ? Quels leviers on essaye vraiment d’activer pour le business ? »
2. Une curiosité presque compulsive
Cette curiosité le pousse à traverser les silos naturels (tech / marketing / business) et à se rapprocher progressivement du product management, bien avant d’avoir le titre.
Résultat : aujourd’hui, il revendique une double compétence tech + business qu’il considère comme un énorme atout pour un PM / CPO :
- pour parler d’égal à égal avec les équipes techniques
- pour mieux comprendre les contraintes métier
- pour être plus créatif sur les solutions produits
Ce n’est pas indispensable, dit-il, mais c’est un accélérateur énorme de carrière.
Et lorsqu’il recrute, son critère n°1 n’est d’ailleurs pas la tech… mais la curiosité. La compréhension de systèmes complexes peut s’apprendre si la personne a l’envie de creuser.
2. La Centrale : une marketplace… et un apporteur de business pour les pros
Côté modèle économique, David le dit sans détour :
« On a pas mal de façons de gagner de l’argent à La Centrale, mais le core business, c’est de donner de la visibilité à des vendeurs professionnels pour qu’ils vendent leurs véhicules le plus vite possible. »
En résumé :
- Le cœur du revenu : la mise en relation entre vendeurs professionnels (concessions, marchands, etc.) et acheteurs via les petites annonces. La Centrale est un apporteur de leads.
- Des revenus complémentaires :
- rachat express
- partenariats financiers
- assurances, services additionnels…
Le produit est donc au service d’un objectif très clair : générer un maximum de leads et de transactions pour les pros, tout en offrant une expérience irréprochable côté acheteur.
3. Fidéliser dans un marché où on achète une voiture tous les 5 ans
La spécificité de l’auto, c’est le temps long :
- Un utilisateur va changer de véhicule tous les 3 à 7 ans.
- Entre le moment où il se dit « je veux changer de voiture » et l’achat, il se passe environ 10 semaines.
Pour David, la rétention commence donc par une obsession simple :
« Être très bon au moment de l’achat. »
Concrètement :
- bien accompagner l’utilisateur dans ces 10 semaines :
- recommandations pertinentes
- bons véhicules
- bonnes fonctionnalités (alertes, favoris, recherches sauvegardées…)
- faire en sorte qu’il n’ait pas besoin d’aller voir ailleurs pour finaliser son achat
Mais La Centrale ne veut pas s’arrêter à « on te voit tous les 5 ans ». Les équipes travaillent déjà sur la suite :
- Gestion de son “garage” dans la plateforme
- Enregistrer son véhicule
- Suivre l’évolution de sa valeur
- Être informé du bon moment pour revendre
- Recevoir des services additionnels liés à l’usage au quotidien
L’enjeu : passer d’une marketplace de transaction à un compagnon long terme sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule.
4. L’app mobile : un levier clé d’engagement et de rétention
L’app mobile est un sujet stratégique pour La Centrale. David le dit très clairement :
- Installer l’app est un acte très engageant :
« Passer du web à l’app, ça veut dire que l’utilisateur est acquis à La Centrale. »
- Les utilisateurs app sont au moins 2x plus engagés que les utilisateurs web.
- Ils ont :
- plus de chances de créer des alertes
- plus de recherches sauvegardées
- plus d’actions répétées pendant les 10 semaines de recherche
Et surtout… beaucoup d’utilisateurs ne désinstallent jamais vraiment leurs apps.
Du coup, 2 ou 3 ans après, ils peuvent toujours avoir La Centrale sur leur téléphone.
C’est un formidable levier de fidélisation passive à long terme.
5. Des typologies d’utilisateurs très variées
La Centrale touche… tout le monde.
David distingue notamment :
- Les power users passionnés d’auto
- très experts
- poussent les filtres dans tous les sens
- reviennent souvent
- peuvent chercher des modèles précis, parfois anciens, de collection
- Les utilisateurs “pragmatiques”
- ont une famille à transporter
- un budget fixe
- parfois peu de connaissances auto
- viennent chercher un accompagnement, pas juste un listing
Entre les deux, un spectre énorme :
« La mobilité est un sujet qui passionne tout le monde. Même des gens pas “fans de bagnoles” suivent la transition électrique, lisent des articles, comparent… »
Le challenge produit est donc de répondre à toutes ces typologies sans se perdre, en adaptant :
- le niveau de pédagogie
- les parcours
- les fonctionnalités proposées
6. Une culture très ROIste… et des micro-features qui font la différence
La Centrale est une boîte profitable, avec une culture très ancrée du ROI.
David explique que :
- la stratégie globale est claire et bien partagée
- les équipes produit sont focus sur quelques KPI business clés :
- nombre de leads générés
- volume de transactions
- engagement utilisateur
- efficacité du moteur de recherche
- part d’utilisateurs app, etc.
Ce qui est frappant dans ce qu’il raconte :
Beaucoup de gros gains ne viennent pas de “big bets”, mais de micro-ajustements.
Exemples :
- de petits changements sur la page détail (mise en avant de fonctionnalités d’engagement, création de compte, recherche sauvegardée, alertes prix…)
- quelques ajustements de wording, de mise en avant, de parcours
Résultat :
« Avec des tout petits projets, des quick wins, on a vu certains KPI grimper de manière impressionnante. »
7. Sales-led… mais pas sales-driven : trouver l’équilibre
La Centrale a un ADN très sales-led : les équipes commerciales sont en prise directe avec les vendeurs professionnels, clients de la marketplace.
Pour un Deputy CPO côté consumer facing, ça pourrait créer beaucoup de tension.
Mais David insiste :
- les demandes des sales sont souvent très pertinentes
- elles apportent de vraies pistes de revenu et de valeur pour les pros
Toute la subtilité réside dans :
- Le niveau de discussion
- transformer une demande purement “pro” en win-win acheteur + vendeur
- distinguer les vraies fonctionnalités utiles des simples ego-features
- La transparence sur la priorisation
- expliquer ce qui entre ou pas dans les backlogs
- faire intervenir la direction (COMEX) sur les arbitrages difficiles
- assumer que parfois, on fera des choses très orientées pros
- et parfois des choses très orientées acheteurs
Ce qui change tout : garder une logique ROI partagée par tout le monde.
8. IA & marketplaces : menace ou opportunité ?
Sur l’IA, David a une vision nuancée mais optimiste :
- Oui, l’IA va bouleverser la manière dont on interagit avec une marketplace.
- Elle est particulièrement forte sur :
- la discovery
- la recherche guidée
- l’inspiration
- l’enrichissement d’information pour affiner un choix
Peut-être que demain, La Centrale sera moins utilisée pour la phase de recherche brute…
Mais David y voit autant d’opportunités que de risques :
- nouveaux outils de négociation pour l’acheteur
- nouvelles formes d’intermédiation intelligente
- nouveaux services augmentés pour les vendeurs
- intégration avec des agents IA qui utilisent les données et la marque La Centrale
Il fait d’ailleurs un parallèle avec le SEO :
- Google aurait pu, depuis longtemps, désintermédier complètement certaines marketplaces
- mais les marques fortes gardent un rôle clé
- l’intérêt de l’IA, c’est aussi de s’appuyer sur des données structurées et fiables issues justement de ces plateformes
La Centrale a une carte maîtresse : sa notoriété.
L’enjeu, pour les années à venir, sera de se positionner très tôt et très bien dans cet écosystème d’agents IA.
9. L’IA dans l’équipe produit : le PM augmenté
En interne, les usages IA se multiplient déjà :
- prototypage (outils type Lovable, etc.)
- écriture ou critique de spécifications
- aide à la réflexion stratégique
- challenge d’idées produits
- accélération de tâches analytiques
David raconte qu’il a même :
- développé lui-même une extension Chrome qui discute avec ChatGPT
- sans aide d’une équipe dev
- ce qui lui a servi ensuite à évangéliser ses PM sur l’importance… d’un bon prompt
Sa conviction est nette :
« L’IA ne va pas remplacer le métier de product manager.
Par contre, le product manager augmenté par l’IA va remplacer celui qui ne l’utilise pas. »
10. Culture produit & organisation : clarity first
Deux éléments marquent particulièrement chez La Centrale côté produit :
- La clarté stratégique
- une stratégie limpide et très largement partagée
- des objectifs business et produits bien alignés
- des rituels forts, notamment les quarter plannings, où tout le monde travaille ensemble
- Des équipes très engagées et entrepreneures
- des squads organisées autour :
- de grands périmètres business (B2C / B2B)
- et parfois d’artefacts techniques (apps, search & discovery, contact, trust & différenciation, etc.)
- une vraie capacité à pivoter lorsqu’un plan bloque
- un état d’esprit très lean : on teste, on mesure, on ajuste
- des squads organisées autour :
11. Le portrait-robot du Product Manager 2026 selon David Piry
Pour finir, je lui ai demandé à quoi ressemble, selon lui, le PM de 2026.
Sa réponse tient en trois axes :
- Une double casquette encore plus assumée : business + tech
- comprendre la stack, les systèmes, les contraintes techniques
- mais aussi savoir générer des lignes de revenus, lire un P&L, réfléchir en ROI
- Un usage naturel et profond de l’IA
- dans la discovery
- dans la priorisation
- dans la production de livrables
- dans l’analyse des données
- Une capacité à positionner son produit dans une ambition d’entreprise
- répondre à des exigences UX
- mais aussi à des exigences d’investisseurs / de croissance
- être capable de défendre ses bets devant le COMEX
En clair : le PM 2026 ne sera ni “juste” un PO fonctionnel, ni “juste” un ex-dev qui fait des specs.
Ce sera un hybride stratégique, tech, business et IA-native.
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