pass Culture

Construire un produit quand la valeur ne se mesure pas en euros

Dans ce nouvel épisode Cyrille reçoit Manon, Head of Product au Pass Culture.
Un épisode passionnant sur la manière dont un service public peut adopter une culture produit forte — sans ROI financier direct, mais avec une mesure d’impact sociétal et culturel.

Quand le produit public pense comme une startup

Le Pass Culture est un dispositif national qui permet aux jeunes d’accéder facilement à la culture, via une application gratuite et géolocalisée.
Objectif : renforcer et diversifier les pratiques culturelles des 15–18 ans en levant trois freins majeurs :
le coût, la méconnaissance de l’offre, et la distance géographique.

Aujourd’hui, le dispositif touche 90 % des jeunes Français — soit près de 4,8 millions d’utilisateurs — et compte plus de 43 000 partenaires culturels.
Un véritable cas d’école de produit à impact.

« Le but n’est pas seulement de donner 150 € à chaque jeune, mais de lui permettre d’explorer, d’expérimenter et de devenir autonome dans sa pratique culturelle. »

Le parcours de Manon : de la culture au numérique

Ancienne élève d’école de commerce, Manon débute sa carrière dans la culture (Palais de Tokyo, Opéra de Paris), avant un détour par la Marine nationale et plusieurs expériences dans des startups comme Luca et Partoo.
C’est là qu’elle découvre la culture “product oriented” et décide de se former au métier de Product Manager.

Elle rejoint ensuite le Pass Culture, d’abord sur l’application mobile pour les jeunes, puis sur le back-office destiné aux partenaires culturels.
Aujourd’hui, elle encadre une équipe de quatre PMs et pilote une roadmap ambitieuse pour l’un des produits publics les plus utilisés en France.

Un produit sans ROI, mais avec un vrai impact

Contrairement aux produits B2C ou B2B classiques, le Pass Culture ne mesure pas sa réussite en chiffre d’affaires, mais en taux de pénétration, de rétention et de diversité culturelle.

L’objectif :

  • accompagner les jeunes dans la découverte de nouveaux genres culturels,
  • mesurer la diversification des usages (lecture, cinéma, musique, spectacle…),
  • et garantir une équité territoriale entre les régions.

« Le jeune qui dépense ses 300 € pour acheter un piano ne revient peut-être pas sur l’app, mais il découvre une nouvelle pratique. Et ça, c’est une victoire. »

Construire pour tous, pas seulement pour la majorité

Manon raconte l’un de ses premiers grands défis : développer une web app pour rendre le Pass Culture accessible à tous — y compris aux jeunes sans smartphone performant ou en situation de handicap.
Un projet à faible “ROI” direct, mais crucial pour la mission de service public.

« En tant que service public, notre rôle est d’assurer que 100 % des jeunes puissent bénéficier du dispositif, pas seulement les 90 % les plus connectés. »

“Dire non” quand on est Product Manager… au ministère

Autre enjeu singulier : la relation avec les institutions.
Entre demandes du ministère de la Culture, besoins des enseignants et retours des partenaires, savoir prioriser est un art difficile.

« Dire non fait partie du métier de Product Manager… mais on ne dit pas “non” à un ministère !
On construit, on négocie, on mesure — et on aligne nos objectifs d’impact. »

Cette capacité à cadrer les priorités, tout en gardant la transparence des résultats, fait partie de la culture héritée de Beta.gouv, l’incubateur d’innovation publique à l’origine du Pass Culture.

Une culture produit publique, mais exigeante

L’équipe produit du Pass Culture travaille avec des principes proches d’une startup :

  • OKR partagés avec le ministère,
  • objectifs mesurables (adoption, activation, diversité des usages),
  • et une culture assumée de l’apprentissage par l’échec.

Chaque nouvelle feature est suivie par la data : taux d’adoption, usage réel, impact mesuré à M+1, M+3, M+12.
Si elle ne crée pas de valeur : elle est “killed”.

Rétention : de la subvention à la découverte

Pour éviter que l’app ne soit qu’un “chèque culturel”, les équipes ont intégré davantage de contenus éditoriaux :
biographies d’artistes, recommandations, vidéos, critiques et parcours thématiques.
L’objectif : faire revenir les jeunes même après avoir dépensé leur crédit.

« On veut que le Pass Culture devienne un réflexe culturel, pas seulement une aide financière. »

Les prochaines étapes ?
Une meilleure recommandation par les pairs, la mise en avant des critiques de jeunes, et l’éditorialisation dynamique de la page d’accueil selon l’actualité culturelle.

L’IA, un outil au service de la mission

L’IA n’a pas vocation à remplacer les PM ou les développeurs, mais à leur permettre d’aller plus vite dans l’exploration et le test.

« L’IA aide à prototyper, à dérisquer, à tester plus vite.
Mais le cœur du métier reste le même : comprendre, prioriser, mesurer l’impact. »

Et demain ?

Manon imagine un Pass Culture élargi à d’autres tranches d’âge, ouvert à tous les citoyens curieux de culture.
Un espace où chacun — jeune ou adulte — pourrait découvrir les expositions, spectacles ou concerts autour de chez soi.

« Dans cinq ans, j’aimerais que 25 % des Français de 15 à 35 ans utilisent le Pass Culture pour planifier leurs sorties culturelles. »

À retenir

  • Le Pass Culture est un produit public géré comme une startup à impact.
  • Son objectif n’est pas le profit, mais la diversité culturelle et la découverte.
  • Son succès repose sur une culture produit exigeante, ancrée dans la transparence et la mesure de la valeur.

Prêt à embarquer avec nous ?

Nous contacter