Votre roadmap est belle en slide… mais personne ne s’y réfère ?
Chaque BU défend ses priorités, les sprints s’empilent, et malgré les efforts, la valeur tarde à arriver en production. Au Comex, on parle stratégie digitale. Sur le terrain, on bricole des contournements. Résultat : un produit qui avance sans boussole, avec des arbitrages faits au gré des opinions.
👉 Ce n’est pas un problème de delivery. C’est une absence de stratégie produit claire. Pas de vision partagée, pas de North Star Metric, pas de critères de succès qui tiennent.
Une Product Strategy solide, ce n’est pas un beau deck PowerPoint. C’est une boussole concrète qui :
- aligne les parties prenantes autour d’un cap lisible ;
- traduit la vision en métriques actionnables ;
- et accélère la valeur en production.
Dans cet article, on décrypte comment définir et surtout exécuter une stratégie produit qui résiste aux slides… et qui prouve son impact.
Poser une vision produit exploitable (North Star + cap d’1 page)
Scène classique : une “vision produit” de 12 slides avec des mots qui brillent — “expérience unifiée”, “plateforme data-driven” — mais lundi matin, personne ne sait quoi faire de différent. Chaque BU tire sa propre roadmap et la DSI gère l’urgence.
👉 Une bonne vision n’est pas un slogan inspirant. C’est un cap utilisable : clair, mesurable, et qui tranche.
Commencer par le réel
On part du terrain et des usages concrets :
- 3 parcours critiques (là où passent 80 % des usages) ;
- 2 irritants récurrents par parcours ;
- 1 indicateur business associé (temps, coût, taux d’achèvement).
Tant que ces points ne sont pas posés, la vision reste décorative.
Formuler la North Star Metric
La NSM, c’est le résultat clé que le produit doit améliorer sans ambiguïté.
Exemples :
- Portail achats : % de demandes validées < 48h.
- Outil RH : % de dossiers traités sans ressaisie.
- App terrain : interventions closes J+1.
💡Test simple :
Est-ce qu’un PM, un dev et un sponsor peuvent prouver cette semaine qu’ils ont contribué à la NSM ? Si non, reformulez.
Construire un KPI tree… qui décide à votre place
Sous la NSM, 3–5 leviers concrets : disponibilité (SLA), efficacité (cycle time), adoption (activation, rétention).
Chaque feature doit s’y accrocher. Si ce n’est pas le cas, elle n’est pas prioritaire.
Le livrable : 1 page, pas 60 slides
La vision doit tenir sur une page que tout le monde lit :
- Vision en 2 lignes ;
- NSM + cible trimestre ;
- KPI tree (3–5 leviers) ;
- Stop list (3 chantiers qu’on arrête) ;
- Règles d’arbitrage simples (“pas de feature sans critère de succès”).
Accrochée dans chaque comité, cette page coupe court aux débats d’opinion.
“Chez un grand compte retail, on avait 4 roadmaps concurrentes. On a posé une NSM simple (% de commandes livrées sans intervention manuelle) + un KPI tree.
En 6 semaines : 2 features stoppées, 1 accélérée, cycle time ÷1,7. Les comités ont gagné en décisions claires.”
— Maxime, Product Lead chez Yield
Transformer la vision en objectifs pilotables (OKR qui tiennent debout)
Une North Star Metric claire, c’est bien. Mais sans déclinaison, elle finit comme beaucoup de visions : inspirante… et inutilisée.
Les OKR sont censés traduire la vision en cap trimestriel. Le problème, c’est que dans beaucoup de grands comptes, ils ressemblent à ça :
Objectif : améliorer l’expérience utilisateur.
KR1 : lancer la nouvelle appli.
KR2 : atteindre 80 % de satisfaction.
👉 En pratique, ça ne décide rien. Pas mesurable, pas actionnable, pas relié à la NSM.
Ce qui marche vraiment
Trois règles simples suffisent à éviter l’effet “OKR décoratifs” :
- Actionnable : une équipe peut agir dessus dès le prochain sprint.
- Mesurable : les progrès se suivent toutes les 2 semaines, pas seulement en fin de trimestre.
- Aligné : chaque KR fait bouger un levier du KPI tree.
🔍 Exemple concret (tiré d’une DSI qu’on a accompagnée) :
- NSM : % de dossiers RH traités sans ressaisie.
- Objectif : réduire les frictions dans le process RH.
- KR1 : temps de saisie d’un dossier < 15 min (vs 28).
- KR2 : 90 % des dossiers validés sans correction manuelle.
- KR3 : taux d’abandon du formulaire < 5 %.
Ici, pas de slogans. Trois métriques qui tranchent vite entre succès et échec.
Aligner les sponsors sans slides
Le vrai blocage, ce n’est pas de rédiger des OKR, c’est de les faire vivre. Notre règle :
- 1 page de suivi max, avec les courbes qui bougent.
- 1 décision concrète attendue par sponsor (budget, arbitrage, périmètre).
- Si rien n’a changé en 4 semaines, c’est que l’OKR n’est pas le bon.
“Dans une DSI bancaire, on est passés de 50 KRs sans suivi à une NSM commune (% de tickets clos en < 48h) + 3 KRs mesurés toutes les deux semaines.
Trois mois plus tard : –25 % de backlog support et des arbitrages tranchés deux fois plus vite.”
— Julien, Product Manager chez Yield
📌 À tester dès le prochain sprint :
- 1 NSM, 1 objectif clair, 3 KRs max.
- Vérifiez qu’ils se mesurent toutes les 2 semaines.
- Amenez-les en comité sponsor sur 1 page lisible en 5 minutes.
Relier les OKR aux choix produits concrets
Un backlog n’est pas une liste de vœux. Pourtant, dans beaucoup de comités produit, c’est exactement ce qu’il devient : une accumulation de demandes métiers, de “quick wins” sponsorisés, de features héritées… sans lien avec les objectifs.
Relier chaque ticket à un levier mesurable
La règle est simple : chaque item doit être relié à un levier du KPI tree.
- Si une demande n’a aucun impact sur la North Star ou ses sous-métriques, elle ne mérite pas de place.
- Si un arbitrage hésite entre deux chantiers, c’est la métrique qui tranche, pas l’opinion la plus forte dans la salle.
💡 Test rapide :
Prenez 10 tickets de votre backlog au hasard. Si vous ne pouvez pas dire en une phrase “ce ticket contribue à tel KR”, c’est qu’il est probablement décoratif.
La roadmap = un outil de tri, pas un inventaire
Trop d’équipes confondent roadmap et backlog. La roadmap n’a pas vocation à tout embarquer, mais à montrer où on crée de la valeur en priorité.
- On y garde ce qui fait bouger la NSM.
- On coupe sans hésiter ce qui ne sert pas.
- On assume la Stop list : trois chantiers arrêtés, affichés noir sur blanc, pour libérer de la bande passante.
Retour d’XP — Backlog divisé par 2 en 6 semaines
Dans une DSI énergie, chaque BU poussait son propre flux de demandes. Résultat : 600 tickets ouverts, aucune hiérarchisation. On a posé une NSM claire (% de demandes traitées en moins de 48h) et relié le backlog au KPI tree.
- 50 % des tickets ont été stoppés (aucun lien avec les métriques).
- La Stop list a été publiée en Steering (3 projets “phares” mis en pause).
- En 6 semaines, le backlog a été réduit de moitié, et les arbitrages sont devenus mécaniques.
👉 Moins de débats, plus de décisions, et surtout un produit qui bouge dans le sens de la stratégie.
Exécuter et piloter sans retomber dans la politique
Avoir une vision claire et des OKR solides, ça règle la moitié du problème. L’autre moitié, c’est de réussir à exécuter sans retomber dans les travers classiques des grands comptes : comités interminables, arbitrages paralysés, décisions repoussées au trimestre suivant.
Des rituels courts, centrés sur l’impact
Le pilotage produit ne doit pas devenir une couche de reporting supplémentaire. Deux formats suffisent :
- Value Review (toutes les 2–3 semaines) : on mesure l’effet des livraisons sur la North Star et ses leviers. Pas de démo pour “montrer l’écran”, mais une preuve chiffrée : adoption, cycle time, taux d’erreur. Si une feature n’a pas d’impact visible, elle est challengée immédiatement.
- Steering sponsor (mensuel) : 45 minutes, trois décisions maximum. Les chiffres sont projetés en direct, les décisions sont binaires : on continue, on stoppe ou on réalloue. Pas de débat sans fin.
Supprimer le bruit, accélérer les décisions
Le vrai risque d’un comité produit, ce n’est pas de dire non : c’est de ne rien dire du tout. Pour éviter l’inertie, deux règles :
- SLA de décision : un arbitrage ne peut pas dépasser 10 jours, faute de quoi il est automatiquement tranché selon la grille du KPI tree.
- Stop list vivante : chaque comité doit acter ce qu’on arrête, pas seulement ce qu’on lance. C’est le meilleur garde-fou contre le backlog qui enfle.
De la politique à la preuve
Quand tout le monde arrive avec ses priorités, la discussion tourne au rapport de force. La Product Strategy doit transformer ça en arbitrage objectif.
👉 Exemple concret : au lieu d’écouter trois sponsors défendre leurs demandes, on pose sur la table les chiffres d’adoption. “Cette feature est utilisée par 12 % des équipes seulement, contre 80 % pour celle-ci. On accélère celle-ci, on met l’autre en pause.”
Mesurer l’impact d’une Product Strategy (preuve au Comex)
Une stratégie produit ne se juge pas à la beauté d’une roadmap ou à la fluidité d’un comité. Elle se juge à son impact mesurable sur le terrain — et à la capacité de l’équipe à le démontrer simplement aux sponsors.
Avant / après : la preuve chiffrée
Le Comex n’a pas besoin d’un suivi exhaustif. Il veut voir en quoi la stratégie change réellement le quotidien :
- Adoption : % d’utilisateurs actifs sur les fonctionnalités clés (avant/après).
- Time-to-value : délai moyen entre la livraison et la valeur créée.
- Efficacité métier : tickets support évités, cycle time réduit, erreurs corrigées.
En général, trois métriques bien choisies suffisent à montrer la différence.
Exemple concret de ROI
Prenons un cas typique : une DSI qui dépensait l’équivalent de 12 sprints par trimestre pour développer de nouvelles features. Après cadrage avec une Product Strategy solide, la moitié de ces features ont été stoppées car non reliées au KPI tree. Résultat sur 6 mois :
- 40 % du budget de dev réalloué à des parcours réellement critiques ;
- cycle time divisé par 1,8 ;
- adoption multipliée par 2 sur les modules prioritaires.
👉 Autrement dit : moins de code produit, mais plus de valeur captée.
Le format “5 minutes Comex”
Un bon reporting produit doit tenir sur une seule page et se lire en 5 minutes.
La formule :
- 3 métriques clés (directement liées à la North Star et ses leviers).
- 3 décisions prises (ex : feature stoppée, budget réalloué, priorité renforcée).
- 3 prochaines actions (ce qui change concrètement dans les 4 semaines).
En suivant ce format, vous ne racontez pas une “histoire produit” : vous apportez une preuve d’impact. Et vous gagnez ce qui manque le plus chez les grands comptes : de la confiance, et donc de la latitude pour continuer à arbitrer sur la base de la stratégie plutôt que de la politique.
Conclusion - Une stratégie produit, ou du pilotage à vue
Une Product Strategy n’est pas un poster inspirant ni un deck de 40 slides. C’est une mécanique concrète qui permet de décider vite, de couper le superflu et de prouver la valeur créée.
👉 Les ingrédients d’une stratégie qui tient debout :
- une North Star Metric claire qui guide chaque choix ;
- des OKR pilotables qui se mesurent toutes les deux semaines ;
- une roadmap outil de tri, pas liste de vœux ;
- des rituels courts qui arbitrent sur la base de chiffres, pas d’opinions ;
- et un reporting lisible en 5 minutes qui prouve l’impact au Comex.
La différence est simple : sans stratégie, vos produits avancent au gré des opinions. Avec une stratégie, ils avancent au rythme des preuves.
Vous sentez que votre roadmap ressemble plus à une to-do politique qu’à un vrai outil produit ? Que vos comités durent 2h mais ne tranchent rien ? Parlez-en avec nous. En 30 minutes, on peut analyser vos pratiques actuelles et identifier 2–3 quick wins pour transformer votre stratégie en boussole… et votre produit en levier de valeur.